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Apports de la nouvelle loi n° 21-19 modifiant et complétant les dispositions légales relatives aux SARL

14 Oct 2019

Droit des sociétés

14 Octobre 2019

La loi n° 21-19 modifiant et complétant la loi n° 5-96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation est entrée en vigueur le 29 avril 2019 date de sa publication au Bulletin Officiel n° 6773[1].

Son champ d’application ne concerne que les SARL.

Si les modifications relatives aux modalités de paiement des dividendes nous apparaissent minimes (2), celles relatives aux associés minoritaires sont à l’inverse significatives dans la mesure où elles renforcent incontestablement leurs droits (1).

  1.  Renforcement des droits des associés minoritaires

Le législateur a abaissé la fraction de droits sociaux que les associés minoritaires doivent détenir pour avoir le droit de demander au gérant la convocation de l’assemblée générale (a) et leur a conféré le droit de faire inscrire des projets de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale (b). Par ailleurs, la loi n° 5-96 donne désormais le pouvoir à l’assemblée générale d’autoriser toute cession de 50 % au moins des actifs de la société (c).

     a.  Droit de demander la convocation de l’assemblée générale (art. 71 al. 4 de la loi n°5-96)

Auparavant, la réunion de l’assemblée générale pouvait être demandée par les associés détenant la moitié des parts sociales ou détenant le quart des parts sociales s’ils représentaient au moins le quart des associés.

La loi n° 21-16 abaisse le seuil de détention au dixième des parts sociales sous réserve que les associés représentent au moins le dixième des parts sociales.

    b.  Droit de demander l’inscription de projets de résolutions à l’ordre du jour de l’assemblée

Le législateur ouvre la possibilité à un ou plusieurs associés représentant au moins 5 % du capital social, de demander au gérant l’inscription d’un ou plusieurs projets de résolutions à l’ordre du jour de l’assemblée générale[2].

Conclusion. En fonction de la fraction de capital social qu’il détient, l’associé minoritaire se voit doté de nouveaux moyens d’actions pour protéger ses intérêts qu’il estimerait menacés[3], étant précisé que toutes clauses contraires aux dispositions des alinéas 4 et 5 de l’article 71 sont réputées non écrites.

   c.  Autorisation de l’assemblée générale préalablement à la cession de plus de 50 % des actifs de la société

Les statuts des SARL ne limitent pas toujours les pouvoirs des gérants. Dans ces conditions,  un gérant peut librement céder des actifs de la société. Malheureusement de telles décisions ne sont pas toujours prises dans l’intérêt de la société.

Aussi afin d’éviter de telles situations, le législateur a complété l’article 75 de la loi n° 5-96[4] afin de soumettre à l’autorisation de l’assemblée générale la cession de plus de 50 % des actifs de la société intervenant pendant une période de 12 mois.

Ce processus soulève différentes interrogations.

Ainsi le législateur n’a pas défini à quoi correspond la période de 12 mois. On peut cependant légitimement considérer qu’il s’agit de toute cession intervenant au cours de l’exercice social.

Par ailleurs, il est précisé que le seuil de 50 % est calculé sur la base du dernier bilan de la société, ce qui pose la question de la détermination de la valeur des actifs concernés inscrite au bilan. Sur ce point, il est mentionné que lorsqu’un actif a fait l’objet d’une évaluation faisant ressortir une valeur supérieure à sa valeur nette comptable, ce sont les valeurs d’évaluation qui sont prises en compte pour le calcul du seuil précité. Faut-il comprendre qu’à défaut d’évaluation, il faille retenir la seule valeur comptable ? Une telle interprétation viderait le texte de toute sa portée notamment parce que le bilan reflète la valeur des actifs à la date à laquelle il a été établi. Afin de donner toute sa portée à ce nouveau dispositif, la valeur de l’actif à prendre en compte est, à notre avis, celle retenue dans l’acte de cession.

En outre, par cession d’actifs, est visé, à notre avis, la vente ou toutes autres modalités de transfert à l’exception toutefois d’un transfert intervenant à l’occasion d’une fusion ou d’une scission, ces opérations étant soumises à des dispositions particulières.

Dès lors que les conditions de mise en œuvre de ce nouveau dispositif sont remplies le gérant doit convoquer l’assemblée générale extraordinaire afin qu’elle autorise ou non la cession[5].

Afin que les associés puissent se prononcer en connaissance de cause, le vote de l’assemblée intervient sur la base d’un rapport établi par le gérant précisant la nature des actifs à céder, les motifs et les modalités de la cession, son impact sur l’activité de la société et les méthodes de fixation du prix, leur valeur comptable et leur poids dans l’actif de la société. Lorsqu’il s’agit d’actifs immobiliers, le rapport doit inclure une évaluation desdits biens, réalisée par un tiers indépendant et qualifié. On se demandera pourquoi une telle évaluation n’est pas requise pour la cession d’un fonds de commerce ou de droits de propriété industrielle par exemple.

Le gérant pourra procéder à la cession des actifs concernés selon les conditions mentionnées dans le rapport du gérant après l’autorisation de l’assemblée générale.

  1.  Modalités de mise en paiement des dividendes

La loi n° 21-19 a introduit un nouvel article 83 bis qui définit les modalités de paiement des dividendes.

A l’instar de ce qui est prévu pour les sociétés anonymes, il appartient à l’assemblée générale qui a approuvé les comptes et constater l’existence d’un bénéfice distribuable ou, à défaut, au gérant, de fixer les modalités de la mise en paiement des dividendes votés.

La distribution des dividendes doit avoir lieu dans un délai maximum de 9 mois après la clôture de l’exercice, sauf prorogation de ce délai par ordonnance du président du tribunal, statuant en référé, à la demande du gérant.


[1] La loi a été publiée dans la version française du Bulletin Officiel numéro 6784 du 6 juin 2019.

[2] Art. 71, nouvel al. 5, loi n° 5-96.

[3] Tout associé non gérant peut, deux fois par exercice, poser par écrit des questions au gérant sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation (art.81, loi n°5-96) ; un ou plusieurs associés représentant au moins le quart du capital social peuvent, demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion  (art.82, loi n°5-96) .

[4] Nouveaux alinéas 4, 5 et 6 de l’art. 75.

[5] Elle statue à la majorité des trois-quarts du capital social.