01 Avr 2019
Alassaire JuriConseil
La libéralisation de l’économie marocaine à partir des années 80 a conduit le Royaume du Maroc à moderniser le cadre juridique applicable aux entreprises qui remontait pour partie au protectorat français, modernisation inscrite dans un agenda plus vaste de réformes économiques, sociales et politiques.
Avec l’arrimage du Maroc à l’Union Européenne (Accord d’association de 1996, octroi d’un Statut Avancé en 2008 et négociation en cours d’un Accord de libre-échange complet), le droit des affaires marocain converge vers un corpus imprégné des règles du droit européen et plus particulièrement français.
Les évolutions récentes ont jeté les bases d’un droit des affaires moderne, prenant en compte les enjeux contemporains tels que les partenariats public privé, l’économie numérique, la protection des données à caractère personnel, la protection de l’environnement et du consommateur et la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
La diplomatie active du Maroc à l’égard de nombreux Etats du continent africain sous l’impulsion du Roi Mohamed VI s’est traduite par le renforcement des liens politiques et économiques avec de nombreux Etats mais également par le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine et la mise en œuvre du processus d’adhésion à la CEDEAO. D’aucuns ont alors vu l’opportunité pour le Maroc d’intégrer à terme l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) visant à organiser un système juridique et judiciaire sous la forme d’un cadre légal simple, moderne et adapté à la vie des affaires, et ainsi introduire le droit OHADA au Maroc.
Le présent mémorandum a pour objectif de présenter aux investisseurs un condensé du cadre juridique applicable aux entreprises au Maroc ne faisant pas appel public à l’épargne. Il ne prétend pas à l’exhaustivité des matières abordées.
Etats membres de l’OHADA : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée-Bissau, Guinée-Conakry, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo et la RDC. L’adhésion à l’OHADA est ouverte à tout État membre de l’Union africaine et à tout État non-membre de l’Union à condition d’y être invité par tous les États parties.
I. Cadre juridique général des investissements
Afin de faciliter et développer les investissements plusieurs mesures ont été adoptées, associées à l’application de nombreuses conventions bilatérales et multilatérales.
a. La Charte de l’investissement
La loi-cadre n°18-95 formant Charte de l’investissement a fixé pour une période de dix années à compter de 1996 la politique de l’Etat en matière de développement et de promotion des investissements. Les mesures principalement d’ordre fiscal et douanier sont désormais intégrées dans le droit commun.
Pour tenir compte des nouvelles orientations de l’économie marocaine notamment en matière industrielle et des attentes des investisseurs en termes de nouvelles incitations, une nouvelle charte de l’investissement le 4 juillet 2016 est en cours d’élaboration.
b. Les conventions d’investissement conclues avec l’Etat
Les investisseurs dont les programmes d’investissement remplissent un des critères suivants peuvent conclure avec l’Etat des conventions d’investissements.
Du fait de nombreux arbitrages, élaboration de la nouvelle charte a pris du retard mais elle devrait être soumise au Parlement prochainement.
Critères
- Montant de l’investissement égal ou supérieur à 100 millions de dirhams ;
- Au moins 250 emplois stables à créer ;
- Réalisation de l’investissement dans une des régions listées dans le décret N° 2-98-520 du 5 Rabii I 1419 (30 juin 1998) ;
- Transfert de technologie ;
- Contribution à la protection de l’environnement.
Avantages
Les conventions d’investissements permettent aux investisseurs de bénéficier des avantages prévus par la Charte de l’investissement et ses textes d’application et d’une prise en charge par l’Etat d’une partie des dépenses suivantes :
- Dépenses d’acquisition du terrain nécessaires aux investissements à hauteur de 20 % ;
- Dépenses d’infrastructure externe dans la limite de 5% du montant du programme d’investissement ;
- Frais de formation professionnelle à hauteur de 20 %.
En tout état de cause la participation totale de l’Etat ne doit pas dépasser 5 % du montant global du programme d’investissement ou 10 % dans certains cas.
En parallèle à ce régime conventionnel, la Fondation Hassan II pour le développement économique et social est en mesure de contribuer au financement des projets d’investissement dans différents secteurs définis.
En savoir plus : http://www.mcinet.gov.ma/fr/content/un-accompagnement-cibl%C3%A9
c. Liberté d’investissement
Les flux financiers entre le Maroc et l’étranger sont soumis à la réglementation des changes instaurée par le dahir du 30 août 1949 relatif à la répression des infractions à la réglementation des changes, modifié et complété par le dahir du 27 octobre 1951, et l’Instruction Générale des Opérations de Change de 2013 complétée par différentes circulaires.
Le principe qui anime la réglementation des changes repose sur la nécessité d’obtenir l’accord préalable de l’Office des changes pour toutes les opérations donnant lieu à un flux financier entre le Marc et l’étranger lorsqu’elles ne sont pas autorisées ou prévues par la réglementation des changes.
Investissements étrangers
Les investisseurs étrangers au Maroc bénéficient de la liberté d’investir et de rapatrier les fruits de leurs investissements à condition de les financer en devises et d’en faire la déclaration à l’Office des changes selon un modèle pré-établi.
Par ailleurs, l’exercice par d’activités commerciales par un étranger n’est pas soumis à la présence d’un associé marocain dans le capital.
Investissements à l’étranger par les entreprises de droit marocain
Les entreprises de droit marocain peuvent investir à l’étranger sans l’accord préalable de l’Office des changes lorsque le montant des investissements ne dépasse pas 50 millions de dirhams ou 100 millions de dirhams pour les investissements en Afrique.
Conventions intra-groupe
Très souvent lorsqu’un groupe s’implante à l’étranger, des conventions de prestations de services sont conclues entre la nouvelle structure et une ou plusieurs filiales du groupe à l’étranger notamment en matière de prestations d’assistance technique ou de concession de droits de propriété industrielle.
De telles conventions peuvent être conclues librement au Maroc sous réserve de respecter les conditions prévues aux articles 55 et suivants de l’Instruction Générale des Opérations de Change de 2019. Est toutefois soumise à l’accord préalable de l’Office des changes la participation des filiales marocaines aux frais engagés par leurs maisons-mères au titre des frais de gestion, des frais de siège, des frais liés aux services mutualisés et des frais de recherche et de développement.
Les rémunérations attachées aux conventions intra-groupe ont également des incidences fiscales liées à leur caractère déductible ou non, à la retenue à la source (sous réserve des conventions fiscales de non double imposition) et à la taxe sur la valeur ajoutée. Il convient de signaler que les entreprises imposables au Maroc et ayant directement ou indirectement des liens de dépendance avec des entreprises situées à l’étranger peuvent demander à l’administration fiscale de conclure un accord préalable sur les prix de transfert pour une durée ne dépassant pas quatre années.
d. Le guichet unique
En application des directives de la lettre Royale du 09 janvier 2002 relative à la gestion déconcentrée de l’investissement, des guichets uniques dénommés « centres régionaux d’investissement » (CRI) ont été institués afin de faciliter le parcours des investisseurs. Ils assurent deux missions : l’aide à la création d´entreprises et l´aide à l’investissement.
Au regard de l’aide à la création d’entreprises, l’investisseur dépose son dossier de création de société auprès du CRI de la région où il s’implante, qui se charge de faire immatriculer l’entreprise auprès des différentes administrations concernées : administration fiscale, caisse nationale de sécurité sociale et registre du commerce. Après immatriculation, le CRI délivre les différents justificatifs portant les numéros d’immatriculation. Le délai annoncé pour créer une entreprise est de 2 jours ; en pratique il peut atteindre plus d’une semaine sans compter le temps pris par le processus de rédaction et de signature des statuts de la société.
En matière d’aide à l’investissement, le CRI étudie les demandes d’autorisations administratives ou prépare les actes administratifs nécessaires à la réalisation des projets d’investissement et les projets de conventions à conclure avec l’Etat.
Suites aux dysfonctionnements constatés, la loi n°47-18 portant réforme des CRI et création des commissions régionales unifiées d’investissement a été publiée au bulletin officiel n° 6754 du 21 février 2019 (version française). La loi entrera en vigueur à compter de la date d’installation des organes d’administration et de gestion des CRI. Elle a pour objet de faciliter l’acte d’investissement.
e. Les conventions bilatérales et internationales
Le Maroc est signataire d’un grand nombre de conventions bilatérales destinées à faciliter et protéger les investissements étrangers sur son territoire notamment avec la France avec laquelle il a signé notamment les conventions suivantes :
- La convention fiscale de non double imposition du 29 mai 1970 ;
- La convention de sécurité sociale du 22 octobre 2007 ;
- L’accord sur la protection, l’encouragement et la garantie réciproque des investissements du 13 janvier 1996 ;
- L’accord en matière de séjour et de l’emploi du 9 octobre 1987.
Sur un plan international, le Maroc a ratifié :
- La convention internationale de Washington instituant le Centre International de Règlement des Différends relatifs aux Investissements qui a pour vocation de faciliter le règlement des litiges relatifs aux investissements entre les gouvernements et les investisseurs étrangers ;
- La convention instituant l’Agence Multilatérale de Garantie des Investissements qui offre des garanties contre différents risques (inconvertibilité des monnaies, restriction aux transferts, expropriations, guerre, terrorisme et troubles civils, etc.).
Le Maroc a également adhéré ces dernières années à plusieurs instruments clés de l’OCDE : la Déclaration sur l’Investissement international et les Entreprises multinationales, la Déclaration sur l’Intégrité, la Probité et la Transparence dans la Conduite des Affaires et de la Finance et la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.
f. Casablanca Finance City
Casablanca Finance City (CFC) est une place financière régie par la loi n° 44-10 située à Casablanca.
Elle a pour vocation d’attirer en son sein les entreprises souhaitant investir à l’étranger, et plus particulièrement sur le continent africain.
Seules les entreprises financières ou non financières exerçant les activités limitativement énumérées et les sièges régionaux ou internationaux peuvent se voir octroyer le statut CFC.
Le statut confère aux entreprises labellisées des avantages fiscaux en termes d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu et de droits d’enregistrement, ainsi qu’en environnement « Doing Business » attractif en matière de facilitation administrative dans le cadre du processus de création d’entreprise, de recrutement de salariés étrangers et de réglementation des changes.
En savoir plus : www.casablancafinancecity.com
II. Modalités d’implantation d’une activité commerciale
En fonction de ses objectifs et de la portée de son projet, l’investisseur a le choix entre différentes formes juridiques pour exercer les activités envisagées.
1. Modalités d’exercice d’une activité commerciale
Les activités commerciales peuvent être exercées sous diverses formes :
- L’auto-entreprenariat (la loi n°114-13 relative au statut de l’auto-entrepreneur limite le chiffre d’affaires et les activités autorisées) ;
- L’entreprise individuelle ;
- La société commerciale.
2. Modalités d’implantation d’un investisseur étranger
Un investisseur étranger a plusieurs options pour s’implanter au Maroc.
a. Création d’une structure
Une société étrangère peut créer :
- une filiale sous la forme d’une société commerciale,
- une succursale,
- un bureau de liaison s’il s’agit d’une simple activité de représentation.
b. Reprise d’une société existante
Un investisseur, personne physique ou morale, peut :
- acquérir la totalité du capital d’une société existante, ou
- prendre une participation minoritaire ou majoritaire sous la forme d’une acquisition de titres d’une société existante ou à créer ou de souscription à une augmentation de capital.
Lors de l’acquisition d’une partie du capital d’une société, il est fortement conseillé de conclure un pacte d’actionnaires et une garantie d’actif et de passif avec les associés historiques.
Cas particulier des opérations d’envergure constitutives d’opérations de concentration
En application de l’article 11 de la loi n° 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence, les opérations d’acquisition d’envergure peuvent être qualifiées d’opérations de concentration, et dès lors être soumises à l’accord préalable du Conseil de la concurrence lorsqu’une des trois conditions suivantes est réalisée :
- Le chiffre d’affaire total mondial, hors taxes, de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 750 millions de dirhams ;
- Le chiffre d’affaires total, hors taxes, réalisé au Maroc par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 250 millions de dirhams ;
- Les entreprises qui sont parties à l’acte, ou qui en sont l’objet, ou qui lui sont économiquement liées ont réalisé ensemble, durant l’année civile précédente, plus de 40% des ventes, achats aux autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services de même nature ou substituables, ou sur partie substantielle de celui-ci.
Sont qualifiées d’opérations de concentration les opérations suivantes :
- Fusion entre au moins deux entreprises antérieurement indépendantes ;
- Acquisition par une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une entreprise ou non, directement ou indirectement, par prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, du contrôle de l’ensemble ou d’une partie d’une autre entreprise ou de l’ensemble ou de parties de plusieurs autres entreprises ;
- Acquisition par une ou plusieurs entreprises, directement ou indirectement, par prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, du contrôle de l’ensemble ou d’une partie d’une autre entreprise ou de l’ensemble ou de parties de plusieurs autre entreprises.
3. Principales sociétés commerciales utilisées
Les principales formes de sociétés utilisées au Maroc sont la société à responsabilité limitée (SARL) et la société anonyme (SA). Elles ont pour avantage de limiter la responsabilité des associés aux montants de leurs apports contrairement à la société en nom collectif.
Elles sont obligatoirement immatriculées au registre du commerce.
La création d’une SARL ou d’une SA donne lieu à la rédaction de statuts et à la réalisation d’apports en numéraire ou en nature.
a. La SARL
La SARL est régie par la loi n° 5-96 du 13 février 1997 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation, promulguée par le dahir du 13 février 1997, telle qu’elle a été modifiée et complétée.
Nombre d’associés | De 1 (SARL à associé unique) à 50 |
Capital social | Absence de capital social minium |
Gérance | Au moins un gérant, associé ou non, personne physique, qui peut être résident (titre de séjour obligatoire) ou non au Maroc. |
Cession de parts sociales à un associé | Librement cessibles mais possibilité de prévoir une clause d’agrément. |
Cession de parts sociales à un tiers | Agrément donné à la majorité des associés représentant les 3/4 des parts sociales. |
Appel public à l’épargne | Interdit |
Commissaire aux comptes | Obligatoire si le chiffre d’affaires dépasse 50 millions de dirhams hors taxes |
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b. La SA
La SA est régie par la loi n° 17-95 du 30 août 1996 relative aux sociétés anonymes, telle qu’elle a été modifiée et complétée.
Le tableau suivant ne présente pas les dispositions applicables aux SA à directoire et conseil de surveillance.
Nombre d’actionnaires | Au moins 5 |
Capital social | Au moins 300.000 dirhams |
Administration | Conseil d’administration (CA) composé de 3 administrateurs au moins, personne physique ou morale, et obligatoirement actionnaires de la société. le président du CA est obligatoirement une personne physique. L’administration personne morale doit nommer un représentant permanent. les premiers administrateurs nommés pour 3 ans, puis pour 6 ans maximum. |
Direction | Un directeur général (DG) ou direction générale assumée par le président du CA (président directeur général). il peut être assisté par un DG délégué. |
Cession d’action entre actionnaires | Liberté de cession |
Cession d’action à des tiers | Agrément possible dans les conditions prévues par les statuts |
Appel public à l’épargne | Oui |
Commissaire aux comptes | Obligatoire |
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Autres formes sociale
Il est possible de créer une société anonyme simplifiée (SAS) qui a pour avantage d’offrir une grande souplesse statutaire aux associés pour organiser la gouvernance et leurs relations contractuelles. Elle a toutefois pour inconvénient de ne pouvoir être constituée que par des sociétés et à condition que leur capital soit au moins égal à 2 millions de dirhams ou à la contre-valeur en monnaie étrangère. Elle ne peut pas faire appel public à l’épargne.
Il est également possible de constituer une société en commandite par actions (SCA) qui permet notamment d’organiser librement dans les statuts les conditions de nomination et de révocation de la gérance. Elle se caractérise par deux types d’associés : les commanditaires dont la responsabilité est limitée aux apports et les commandités dont la responsabilité est indéfinie et solidaire, c’est-à-dire qu’ils assument seuls la totalité des pertes de la société. En contrepartie, leur accord est nécessaire pour prendre les décisions en assemblée générale. Ils peuvent donc bloquer des décisions voulues par les commanditaires. La gestion est confiée à un gérant, tandis qu’un conseil de surveillance en assume le contrôle permanent.
De même, peut être créée une société en nom collectif, dont tous les associés ont la qualité de commerçant et engagent ainsi leur responsabilité de manière indéfinie et solidaire, ainsi qu’une société en commandite simple caractérisée par deux types d’associés à l’instar des SCA: les commanditaires dont la responsabilité est limitée aux apports et les commandités qui ont le statut des associés en nom collectif.
4. La succursale
La succursale est une émanation d’une société existante dite société mère. Aussi contrairement à une filiale d’une société, elle n’a pas de personnalité morale propre. Par conséquent, elle n’a pas de patrimoine propre. Dès lors, la société mère est juridiquement responsable des dettes éventuelles de sa succursale au Maroc et devra faire face aux éventuelles actions en responsabilité.
Malgré l’absence d’une personnalité juridique distincte de celle de sa maison mère, elle possède une autonomie de gestion qui lui permet de prendre des décisions par l’intermédiaire de son gérant mais les engagements restent pris au nom de la maison mère.
La succursale doit être inscrite au registre du commerce.
5. Localisation du siège social
L’entreprise doit avoir un siège social qui est mentionné dans ses statuts. En fonction de ses besoins, elle pourra choisir d’être domiciliée auprès d’une entreprise de domiciliation ou de signer un bail commercial. Elle pourra également se domicilier dans l’immeuble dont elle serait propriétaire.
a. Domiciliation
Depuis la publication de loi n°89.17 modifiant et complétant le code de commerce, l’activité de domiciliation est réglementée. Désormais, toute domiciliation d’une entreprise ou d’un siège social devra être faite dans les conditions définies par les nouveaux articles 544-1 à 544-11 du code de commerce.
Ainsi, le contrat de domiciliation doit être fait par écrit selon un modèle établi par décret, et pour une durée limitée renouvelable. Toutefois la durée du contrat de domiciliation de certaines activités qui seront fixées par décret est limitée.
Pour éviter des domiciliations de complaisance et une disparation des sociétés domiciliées, le code de commerce soumet le domiciliataire et le domicilié à de nombreuses obligations.
b. Bail commercial
Dans le cadre d’un investissement pérenne, il est habituel de signer un bail commercial.
Le bail commercial est régi par la loi n°49-16. Il permet au locataire de bénéficier du droit au renouvellement du bail lorsqu’il justifie d’une jouissance consécutive d’au moins deux années. A défaut, il a droit à une indemnité d’éviction. Le loyer est fixé par accord entre les parties. Il ne peut être augmenté qu’au terme d’une durée de 3 ans et seulement dans la limite de 10 %.
c. Acquisition
Lorsque l’investissement envisagé le nécessite, l’investisseur étranger peut très bien acheter un bien immobilier pour exploiter ses activités et y domicilier son siège social. L’acquisition d’un bien immobilier se fait par acte authentique et donne lieu à des formalités d’inscription auprès de la Conservation foncière.
III. Financement des entreprises
Outre les financements en fonds propres ou par voie d’apports en compte courant d’associés, les entreprises peuvent recourir aux modes de financement bancaire habituels, tels que l’emprunt, le crédit-bail, l’affacturage ou la mobilisation de créances commerciales.
Par ailleurs, à l’exception des SAS et des SARL, les sociétés anonymes peuvent se financer par voie d’appel public à l’épargne au moyen de l’émission de valeurs mobilières cotées à la bourse des valeurs de Casablanca ou de titres négociables sous la forme de billets de trésorerie.
En application de la loi n° 33-06 relative à la titrisation de créances, modifiée par la loi n°119-12, les entreprises peuvent également céder leurs actifs, qu’il s’agisse de créances nées ou à naître, de titres en capital et de créances, ou de tous autres actifs corporels ou incorporels, immobiliers ou mobiliers, matières premières, en contrepartie de liquidités dans le cadre d’opérations de titrisation.
En outre, les entreprises qui le souhaitent peuvent se financer au moyen de produits financiers islamiques émis par les banques participatives.
Un projet de loi relatif au financement collaboratif (crowdfunding) a été introduit dans le circuit législatif. Il doit permettre par l’intermédiaire de plateformes internet de financer les entreprises sous la forme d’émission de droits sociaux, de prêts ou sous la forme de dons en numéraire avec ou sans contrepartie.
IV. Relations contractuelles commerciales
Les relations contractuelles sont soumises à plusieurs réglementations.
1. Le droit commun
Les contrats sont régis par le dahir du 12 août 1913 formant code des obligations et des contrats (DOC). Le DOC constitue ce qu’on appelle de manière habituelle le droit commun applicable aux relations contractuelles (équivalent du code civil en droit français). Il est marqué par le principe de la liberté contractuelle. Le DOC a été modifié et complété en 2007 pour permettre de conclure et de signer des contrats par voie électronique.
Le DOC régit également un certain nombre de contrats qui sont utilisés dans la vie des affaires comme la vente, l’échange, le bail ou le mandat. Il régit également la vente d’immeuble en état futur d’achèvement. Les contrats de distribution comme la franchise ou la concession commerciale ne faisant l’objet d’aucune réglementation particulière, sont soumis au droit commun.
2. Le code de commerce
Le code de commerce régit les contrats commerciaux suivants :
- Les contrats portant sur le fonds de commerce
- Le nantissement
- L’agence commerciale
- Le courtage
- La commission
- Le crédit-bail
- Le transport de choses et des personnes
- Les contrats bancaires
3. Dispositions spécifiques
D’autres contrats que l’on retrouve dans la vie des affaires sont soumis à des réglementations spécifiques comme le bail commercial.
Délais de paiement
Si le DOC pose le principe de la liberté contractuelle, le code de commerce impose depuis quelques années aux entreprises le respect de délais de paiement. Tout délai de paiement convenu entre des commerçants ne peut pas dépasser 90 jours à compter de la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation fournie. A défaut de délai convenu, le paiement doit intervenir dans un délai de 60 jours maximum. A défaut de paiement dans les délais, une indemnité de retard est exigible, égale au taux directeur de Bank Al-Maghrib le plus récent, majoré de 7 points de marge de pourcentage. Lorsque le taux est convenu, il doit être au moins égal au taux précité. Il n’est pas permis de déroger à ces dispositions. Le code de commerce prévoit des dérogations possibles mais les textes d’application n’ont pas été encore adoptés.
En pratique, quasiment aucune entreprise ne respecte les délais de paiement et rares sont celles qui exigent le paiement des indemnités pour préserver la relation commerciale bien que l’administration fiscale est en droit de réintégrer les indemnités non réclamées dans le bénéfice imposable de l’entreprise créancière.
En matière de marchés publics les délais de paiement et les intérêts moratoires sont régis depuis le 1er janvier 2017, par le décret n° 2-16-344, du 22 juillet 2016.
Droit applicable à un contrat international
L’article 13 du dahir du 12 août 1913 sur la condition civile des français et des étrangers pose le principe de l’autonomie de la volonté dans le choix de la loi applicable au contrat ; à défaut, il donne aux juges les critères de détermination de la loi applicable.
Il est ainsi permis aux parties à un contrat international de le soumettre à la loi de l’une des parties mais également à un droit étranger aux parties. Ce point n’est pas négligeable selon les avantages que présentera un droit national par rapport à un autre des parties.
V. Relations de travail
Les relations individuelles et collectives de travail sont régies par la loi n°65-99 formant code du travail et les textes d’application. Outre la relation de travail, le Code du travail réglemente les négociations au sein de l’entreprise, les institutions représentatives des salariés et le règlement des conflits collectifs.
Le droit de grève, garanti dans la nouvelle Constitution de 2011, fait l’objet d’un projet de loi organique en cours de négociation. Ce vide n’empêche pas les salariés d’user du droit grève.
Les salariés peuvent être embauchés sous la forme de contrats à durée indéterminée ou déterminée dans les cas prévus par le Code du travail. Ils bénéficient d’un salaire minimum légal.
Les salariés licenciés pour faute bénéficient d’un préavis, sauf en cas de faute grave, dont la durée dépend de l’ancienneté et du versement d’une indemnité de licenciement dont le montant est fixé en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise et après 6 mois de travail.
En cas de licenciement abusif, les salariés ont droit à des dommages- intérêts dont le montant est fixé sur la base du salaire d’un mois et demi par année ou fraction d’année d’ancienneté sans toutefois dépasser le plafond de 36 mois.
Les salariés licenciés pour des raisons économiques bénéficient d’une indemnité pour perte d’emploi dont le financement est pris en charge par l’employé et l’employeur.
L’âge de la retraite est fixé à 60 ans. Toutefois le ministère du travail peut autoriser une entreprise à garder un salarié au-delà de l’âge légal si le salarié en est d’accord.
Embauche de salariés étrangers
L’embauche de salariés étrangers est soumise à l’accord préalable de l’Agence Nationale de la Promotion de l’Emploi et des Compétences (ANAPEC), sauf dans certains cas limités tels que les personnes associées d’une société de droit marocain, puis à l’accord du ministère du travail sous la forme d’un visa apposé sur le contrat de travail étranger (CTE) qui fait l’objet d’un modèle type.
Depuis le 1er juin 2017, les demandes de visas de contrat de travail pour les salariés étrangers sont désormais instruites via le site www.taechir.travail.gov.ma
Attention les visas sont donnés pour une durée limitée, ce qui fait que le CTE a la nature d’un contrat de travail à durée déterminée même si plusieurs CTE se succèdent entre les parties, et même si l’employeur et l’employé ont signé en parallèle un contrat de travail à durée indéterminée. Cette situation conduit à de nombreux litiges devant les tribunaux lors de la terminaison du contrat de travail ou du licenciement du salarié. Toutefois, il semblerait que la Cour de cassation qualifie le CTE renouvelé comme un contrat de travail à durée indéterminée pour accorder au salarié dont le CTE n’est pas renouvelé des indemnités pour licenciement abusif.
VI. Régulation de la concurrence
Attaché à l’économie de marché, le Maroc a mis en place depuis une vingtaine d’années une réglementation régulant la libre concurrence et posant le principe de la liberté des prix.
Les piliers du droit de la concurrence ont été posés par la loi n° 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence. Toutefois le pilier institutionnel reposant sur la mise en place d’un Conseil de la concurrence a rapidement été critiqué dans la mesure où ce dernier n’était qu’un organe consultatif, le premier ministre ayant les pouvoirs de saisir le Conseil et de prendre des sanctions.
Suite aux manifestations populaires dans la foulée du Printemps Arabe, une nouvelle Constitution a été adoptée par voie de référendum en 2011 qui a érigé le Conseil de la concurrence en une instance constitutionnelle de bonne gouvernance et de régulation.
A la suite de cette constitutionnalisation du Conseil de la concurrence, la loi n° 06-99 a été abrogée par deux nouvelles lois renforçant la régulation de la concurrence et dotant enfin le Conseil de la concurrence de vrais pouvoirs :
- la loi n°104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence, et
- la loi n° 20-13 relative au Conseil de la concurrence.
La loi n° 104-12 prévoit que les activités de production, de distribution et de services sont soumises au principe de libre concurrence et de liberté des prix. Toutefois, l’administration peut intervenir pour fixer les prix de certains biens, produits ou services dans des situations prévues par la loi n°104-12. De même, les prix de certains biens, produits et services sont toujours encadrés comme l’électricité et les produits pharmaceutiques.
D’un point de vue opérationnel, la loi n° 104-12 a élargi la liste des pratiques anticoncurrentielles et des exceptions, ainsi que les seuils à partir desquels les opérations de concentration doivent être notifiées au Conseil de la concurrence pour obtenir son accord préalable (voir chapitre II- b. Cas particulier des opérations d’envergure constitutives d’opérations de concentration). La loi encadre également les pratiques restrictives de concurrence.
La loi a désormais doté le Conseil de la concurrence de pouvoirs décisionnaire, de sanction, d’enquête et d’auto-saisine, ils restent malheureusement pour l’instant lettre morte dans la mesure où le mandat des membres du Conseil a pris fin en 2013, paralysant ainsi le fonctionnement du Conseil. Dans les faits, le Conseil est saisi parallèlement aux services du chef de gouvernement.
VII. Protection du consommateur et sécurité des produits et des services
Les relations entre fournisseurs et consommateurs sont encadrées par la loi n° 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur. La loi a notamment pour objet d’assurer une information claire du consommateur et d’interdire les clauses abusives. Elle encadre certaines pratiques commerciales telles que la publicité, les contrats conclus à distance et le démarchage. Plusieurs dispositions s’appliquent aux crédits à la consommation et aux crédits immobiliers.
Par ailleurs, la loi n° 24-90 relatif à la sécurité des produits et des services définit les obligations des professionnels intervenant dans la chaîne de fabrication et de distribution de produits et de services au Maroc.
La loi n° 24-90 :
- met notamment à la charge du fabricant du produit fini et de son importateur une obligation générale de sécurité consistant à ne mettre sur le marché que des produits ou des services sûrs, et ce à peine de sanctions pénales,
introduit le principe de la responsabilité civile du fait des produits délictueux sans que celle-ci ne puisse faire l’objet de clauses limitatives ou exonératoire de responsabilité.
VIII. Droits de propriété industrielle et intellectuelle
Les droits de propriété industrielle portant sur les marques et les brevets sont protégés par la loi n° 17-97 relative à la protection industrielle, telle qu’a été modifiée et complétée afin d’en aligner les dispositions sur les meilleurs standards internationaux.
Le Maroc a adhéré à l’Arrangement de Madrid de 1891 concernant l’enregistrement international des marques permettant ainsi de déposer au bureau de l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale (OMPIC) une seule demande d’enregistrement d’une marque avec effet pour tous les pays désignés dans la demande, et au Patent Cooperation Treaty (PCT) en matière de protection international des brevets.
Les droits d’auteurs sont quant à eux protégés par la loi n°2-00 relative aux droits d’auteur et droits voisins. Les logiciels et les bases de données ayant un caractère original bénéficient de la protection au titre des droits d’auteur.
Durée de protection des droits
Marque | 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande, indéfiniment renouvelable |
Brevet | 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande |
Dessin et modèle industriel | 5 ans à compter de la date de dépôt de la demande et renouvelable pour 4 périodes successives de 5 ans |
Droits d’auteur | 70 ans pour les droits patrimoniaux et durée illimitée pour les droits moraux |
Inventions des salariés
À défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, l’article 18 de la loi n°17-97 distingue deux catégories d’inventions auxquelles sont attachés des régimes différents :
- les inventions faites par un salarié dans le cadre de son contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, ou d’études et de recherches qui pourraient lui être explicitement confiées, appartiennent à l’employeur. Toutefois le salarié concerné a droit à une rémunération supplémentaire fixé par le contrat de travail ou la convention collective.
- Par contre, toutes les inventions dites hors mission appartiennent au salarié. Dans certaines conditions définies par loi n° 17-97, l’employeur a le droit de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l’invention du salarié. En contrepartie, le salarié a droit à un juste prix convenu entre les parties, ou, à défaut, fixé par le tribunal.
IX. Protection des données à caractère personnel
Toute entreprise qui collecte et traite des données à caractère personnel doit le faire en conformité avec la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel.
La Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) est l’organe chargé du contrôle de la protection des données personnelles.
La collecte et le traitement de données doivent faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNDP ou d’une autorisation préalable de la CNDP pour les données sensibles, puis être faits avec le consentement des personnes et en respectant les principes de licéité, de légitimité et de proportionnalité.
Toute personne qui collecte et traite des données à caractère personnel doit désigner un responsable de traitement qui est soumis à diverses obligations notamment de confidentialité et de sécurité.
Les personnes dont les données sont traitées bénéficient des droits suivants :
- droit à l’information ;
- droit d’accès à leurs données ;
- droit de rectification de leurs données ;
- droit d’opposition au traitement de leurs données.
Lorsque des entreprises ont conclu un contrat aux termes duquel des données à caractère personnel sont transmises, qu’il s’agisse de contrat de sous-traitance ou non, l’entreprise qui transmet les données doit s’assurer contractuellement que le prestataire garantit la protection des données communiquées conformément à la loi n° 09-08.
Traitements simplifiés de données personnelles
La CNDP est habilitée à prendre des délibérations organisant le traitement de données personnelles pour certaines catégories d’entre elles telles que les délibérations suivantes :
- N°98-AU-2015 du 12/06/2015 portant modèle de demande d’autorisation type relative au traitement des données à caractère personnel dans le cadre de la gestion des fournisseurs;
- N° 32-2015 du 13/02/2015 portant modèle de déclaration type concernant les traitements de données à caractère personnel dans le cadre de la gestion des clients;
- N° 508-AU-2014 du 14/11/2014 portant modèle de déclaration type concernant les traitements de données à caractère personnel relatifs à la vente en ligne;
- N°298-AU-2014 du 11/04/2014 portant modèle de demande d’autorisation type relative au traitement de données à caractère personnel mis en œuvre par le secteur privé ou assimilé en vue de la gestion des ressources humaines
- N°478-2013 du 01/11/2013 portant sur les conditions nécessaires à l’utilisation des dispositifs biométriques pour le contrôle d’accès.
Pour aller plus loin : www.cndp.ma
X. Règlement des litiges commerciaux
Les litiges commerciaux sont soumis aux tribunaux de commerce dont il peut être fait appel des jugements devant les cours d’appel de commerce. Les parties en litige peuvent également former un pourvoi devant la chambre commerciale de la Cour de cassation contre les décisions de justice rendues en dernier ressort.
Les parties à un litige commercial peuvent choisir de le soumettre à un tribunal arbitral composé d’un ou de plusieurs arbitres en nombre impairs ou recourir à un processus de médiation conventionnelle dans les conditions prévues par le code de procédure civile dans le cadre d’un compromis ou d’une clause contractuelle d’arbitrage ou de médiation.
Qu’est-ce que la médiation ?
Contrairement à la justice étatique ou privée, la médiation n’a pas pour objet de trancher un litige. Elle permet aux parties en conflit, avec l’aide d’un tiers appelé le médiateur, neutre, indépendant, impartial, de solutionner leur différend, non par la recherche d’un compromis mais par ce qui sera pour elles la meilleure solution répondant à leurs besoins et intérêts. La médiation est un mode amiable de règlement des conflits au cours du duquel le médiateur aide les parties à trouver elles-mêmes une solution négociée. Le médiateur, à l’inverse d’un conciliateur, ne propose pas de solutions.