29 Juil 2019
Evolution de la gouvernance des sociétés anonymes à la lumière de la nouvelle loi n°20-19
Droit des sociétés
La promulgation de la loi n° 20-19 vient à nouveau modifier et compléter la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes[1].
Voulue pour améliorer l’image du Maroc en tant que destination favorable aux investisseurs et son classement dans le rapport Doing Business établi par la Banque Mondiale, la loi n° 20-19 vise trois objectifs : améliorer la gouvernance des sociétés anonymes, renforcer la responsabilité des dirigeants sociaux tout en organisant une possibilité d’exonération et élargir l’information et les droits des actionnaires.
Dans ce premier article, nous présentons les nouvelles dispositions relatives à la gouvernance de la société anonyme, lesquelles portent sur la reconnaissance légale des administrateurs non exécutifs et les administrateurs indépendants.
Les autres dispositions feront l’objet des présentations ultérieures.
1. Les administrateurs non exécutifs
Différentes catégories d’administrateurs composent le conseil d’administration d’une société anonyme (SA) :
- Les administrateurs qui peuvent être liés à la société par un contrat de travail sans que leur nombre ne dépasse le tiers des membres du conseil (art.43, al.2)[2].
- Les administrateurs qui ne sont ni président, ni directeur général, ni directeur général délégué, ni salarié exerçant des fonctions de direction, qui sont appelés les « administrateurs non dirigeants » (art.67 et 76 avant la loi n°20-19) ;
- Les administrateurs qui exercent les fonctions précitées.
Désormais les administrateurs non dirigeants sont qualifiés d’administrateurs non exécutifs (nouveaux articles 67 et 76).
Cette nouvelle qualification des administrateurs non dirigeants ne change pas pour autant leur rôle ni l‘étendue de leur responsabilité.
Elle a pour seul mérite, à notre avis, d’aligner la loi n°17-95 et le Code de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise de la CGEM dont la dernière version de 2008 faisait déjà référence aux administrateurs exécutifs et non exécutifs.
2. Les administrateurs indépendants
La notion d’administrateur indépendant n’est pas inconnue du droit des affaires.
En effet, le législateur oblige déjà certaines entités à doter leurs organes d’administration de membres indépendants.
Dorénavant leur nomination dans les SA, quelle soit obligatoire ou non obligatoire, est régie par les nouveaux articles 41 bis et 41 ter de la loi n°17-95 et l’article 83 modifié pour les SA à directoire et conseil de surveillance.
2.1. Nomination obligatoire
a. SA faisant appel public à l’épargne
Les SA faisant appel public à l’épargne sont tenues de nommer un ou plusieurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance indépendants sans que leur nombre ne dépasse le tiers du nombre total des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance.
b. SA cotées
Faisant appel public à l’épargne, les SA cotées sont soumises à l’obligation de nommer un ou plusieurs membres indépendants au sein de leur conseil d’administration ou de leur conseil de surveillance (voir a. ci-avant).
Par ailleurs, en application de l’article 106 bis, elles sont tenues de créer un comité d’audit devant comprendre des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance à l’exclusion de ceux qui exercent toute autre fonction au sein de la société. Plus largement les membres de ce comité doivent être indépendants au regard de critères dont les modalités sont définies par l’AMMC.
Désormais, les membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance qui sont membres du comité d’audit doivent être des membres non exécutifs et le président du comité d’audit est obligatoirement indépendant[3].
Cette composition du comité d’audit traduit la décorrélation entre les fonctions exécutives et les organes de contrôle au nom des principes de bonne gouvernance.
c. Etablissements de crédit
L’article 35 de la loi n° 103-12 relative aux établissements de crédit oblige les conseils d’administration et les conseils de surveillance de ces établissements à nommer des membres indépendants.
La loi n°20-19 est toutefois venue préciser que les conditions d’indépendance définies à l’article 41 bis ne leur sont pas applicables.
2.2. Liberté de nomination
Le nouvel article 41 ter encadre la possibilité pour les SA ne faisant pas appel public à l’épargne de nommer un ou plusieurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance indépendants dans les conditions prévues à l’article 41 bis.
On notera qu’une telle nomination n’est pas liée à une modification préalable des statuts afin d’en prévoir la possibilité.
2.3. Critères d’indépendance
Les critères d’indépendance sont définis à l’article 41 bis, comme suit :
- Ne pas avoir été, au cours des trois années précédant sa nomination, salarié ou membre des organes d’administration, de surveillance ou de direction de la société ;
- Ne pas avoir été, au cours des trois années, représentant permanent, salarié ou membre de l’organe d’administration, de surveillance ou de direction d’un actionnaire ou société que ce dernier consolide ;
- Ne pas avoir été, au cours des trois années, membre de l’organe d’administration ou de surveillance ou de direction, d’une société dans laquelle la société détient une participation quel que soit son pourcentage ;
- Ne pas être, membre de l’organe d’administration, de surveillance ou de direction d’une société dans laquelle la société dispose d’un mandat au sien de l’organe d’administration ou de surveillance, ou dans laquelle un membre des organes d’administration ou de surveillance ou de direction de la société, en exercice ou l’ayant été depuis moins de trois ans, détient un mandant au sein de son organe d’administration, de surveillance ou de direction.
- Ne pas avoir été ou avoir représenté, durant les trois dernières années, un partenaire commercial ou financier ou exerçant une mission de conseil auprès de la société ;
- Ne pas avoir un lien de parenté jusqu’au 2ème degré avec un actionnaire ou un membre du conseil d’administration de la société ou son conjoint ;
- Ne pas avoir été commissaire aux comptes de la société au cours des six années précédant sa nomination.
2.4 Régime
Les membres indépendants ne peuvent être titulaires d’aucun mandat exécutif ni détenir aucune action de la société.
Ils ne peuvent pas dépasser le tiers du nombre total des membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance.
Ils sont nommés, rémunérés et révoqués dans les mêmes conditions que les administrateurs non indépendants.
2.5 Entrée en vigueur
En application de l’article 3 de la loi n°20-19, les sociétés soumises aux articles 41 bis et 83 de la loi n°17-95 disposent d’une année à compter du 29 avril 2019, date de publication de la loi dans sa version arabe, pour se mettre en conformité.
[1] La loi n°20-19 modifiant et complétant la loi n° 17-75 a été publiée en langue arabe au Bulletin officiel n° 6773 le 29 avril 2019 et en langue française au Bulletin officiel n° 6784 du 6 juin 2019.
[2] Sauf mention contraire, les articles de loi cités sont ceux de la loi n°17-95.
[3] Lorsque la société est cotée sur le marché principal de la bourse des valeurs, le comité doit être composé au moins de deux membres indépendants.